Manifestations dans des dizaines de villes américaines, couvre-feu à Washington
Une semaine après la mort de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans,
lors d'une interpellation par un policier blanc et son équipe, les
mouvements de colère contre les violences des forces de l'ordre et le
racisme se déroulent désormais dans des dizaines de villes des
États-Unis.
Au moins 75 villes des États-Unis, selon un décompte du New York Times, connaissent cette nuit du 1er juin des manifestations contre le racisme et les violence policières envers les communautés minoritaires. Et pas moins de onze États (15 selon l'AFP) ont fait appel à la Garde nationale pour sécuriser ces événements, dont certains ont été émaillés de violences, comme à Philadelphie, Dallas, Las Vegas, Seattle, Des Moines, Memphis, Los Angeles, Atlanta, Miami, Portland, Chicago et Washington, ainsi que dans la plus grande ville du pays, New York. Dans le vaste quartier de Brooklyn, ils étaient près de 400 à dénoncer les violences policières envers la communauté noire.
Comme dans plusieurs autres grandes cités du pays (Los Angeles, Houston,
Atlanta), un couvre-feu a été décrétée ce 1er juin dans la capitale
fédérale, Washington, par la maire Muriel Bowser. Mais une foule s'est
rassemblée devant la Maison Blanche pour y scander des slogans, en
allumant des feux et en brandissant des pancartes. La police a alors
tiré des gaz lacrymogène pour tenter de la disperser. « Je suis ici ce soir, clame Melania Blashio, une jeune afro-américaine, parce
que les Noirs sont abattus aux États-Unis au quotidien et le
département de la Justice ne fait rien contre ça. Je suis ici ce soir
pour protester contre les brutalités policières parce que c’est un
problème. (...) Ce qui se passe, c’est une vague
d’indignation ! un appel à la justice ! un appel à une vraie paix ! Un
appel pour qu’on soit traités comme des êtres humains, d’une race
unique, la race humaine. Voilà ce qui se passe en ce moment, partout aux
États-Unis. »
Donald Trump redouble de menaces sur Twitter
Par
ailleurs, les mouvements ont dépassé les frontières du pays. Au Canada
tout d'abord. Aux cris de Black Lives Matter, ou les poings tendus vers
le ciel, des milliers de personnes ont défilé dimanche à Montréal en
soutien aux manifestations dans leur voisin du sud, selon un journaliste
de l'AFP. Alors que la manifestation elle-même s'est déroulée dans le
calme, des échauffourées ont éclaté en début de soirée en centre-ville
lorsque des manifestants ont lancé des projectiles contre les forces de
l'ordre. La police a répliqué avec des tirs de gaz lacrymogènes, selon
les images des télévisions.La veille, plusieurs milliers de
manifestants avaient manifesté dans le calme à Toronto. La manifestation
a été organisée à la suite du décès d'une jeune femme noire mercredi à
Toronto, tombée d'un balcon au 24e étage lors d'une intervention
policière dans des circonstances encore non élucidées. Enfin, à Londres,
des centaines de personnes ont manifesté dimanche, et des footballeurs
ont également apporté publiquement leur soutien.
De son côté, le président américain, qui fait face à la plus grave
ébullition sociétale de son mandat, continue de fustiger pêle-mêle les
« anarchistes », puis les « antifa » qu'il a annoncé vouloir désigner comme une organisation terroriste. Il a promis de « stopper la violence collective », tout en s'en prenant aux démocrates et à son principal concurrent à la présidentielle, Joe Biden. « Le président Trump aggrave les choses »,
a déclaré la maire d’Atlanta ce dimanche, et c’est bien le sentiment de
nombreux manifestants croisés devant la Maison Blanche, écrit notre correspondante à Washington, Anne Corpet. « Ce feu c’est Donald Trump qui l’alimente avec chacun de ses tweets » disait une jeune femme devant des palettes et des barrières en flamme. « Nous savons qu’il est incapable de régler nos problèmes », a-t-elle ajouté, « mais nous voudrions au moins qu’il cesse d’alimenter le racisme et la haine ».
Selon le New York Times, lors d'une manifestation similaire
devant sa résidence, le locataire de la Maison Blanche a été mené, la
veille, par les agents des services secrets, à l'abri dans un bunker
souterrain.
Nouvelles manifestations à Minneapolis
Épicentre
de la crise, Minneapolis a connu une nouvelle nuit de manifestation. Un
camion-citerne a tenté dimanche de se forcer un passage au milieu d'un
cortège de milliers de manifestants sur un pont du centre de
Minneapolis, dans le Minnesota, provoquant une intervention massive des
forces de l'ordre. « A priori aucun manifestant n'a été blessé »,
selon un communiqué de la police locale. Le chauffeur du camion,
blessé, a été conduit dans un hôpital voisin puis placé en détention. Il
fera l'objet de poursuites pénales, a déclaré le gouverneur du
Minnesota Tim Walz lors d'une conférence de presse. « À cette heure nous ne connaissons pas ses motivations », a-t-il ajouté.
Dans la ville, le déploiement massif des blindés de la garde nationale semble cependant parvenir à faire respecter le couvre-feu imposé de 20h à 6h, raconte notre envoyé spécial, Éric de Salve. Depuis deux nuits les affrontements sont moins nombreux, mais la communauté afro-américaine reste traumatisée, une tristesse qui s’exprime tous les jours devant le mausolée improvisé en hommage à George Floyd.
Le lieu est devenu un sanctuaire protégé, jamais
pillé ni incendié. Chaque jour, des centaines de bouquets de fleurs, de
messages y sont déposés par des hommes et des femmes souvent en pleurs
comme Telora..une habitante du quartier : « Nous sommes à l’endroit
ou un homme a été tué. Mon cœur saigne parce que cela pourrait arriver à
n’importe qui. Je suis ici pour lui mais aussi pour tous les garçons,
tous nos enfants qui sont déjà morts et pour les prochains qui seront
tués eux-aussi par la police. »
« Ça a été très dur d’expliquer cela à ma fille »
Juste
en face une petite église tient, ce dimanche 31 mai, sa première messe
depuis le drame. Angie est venue prier ici accompagnée de sa fille de 10
ans..pour l’aider à comprendre comment un policier blanc a pu tuer un
homme noir inoffensif dans sa rue : « Ça a été très dur d’expliquer
cela à ma fille. Elle a 10 ans et elle ne comprend pas pourquoi la
police qui est censée nous protéger est en fait en train de nous tuer.
En tant que femme noire, c’est aussi difficile d’être sûre que mon mari
noir est en sécurité. Je ne le laisse plus aller faire les courses tout
seul parce que j’ai peur. »
De son côté, l'ancienne superstar
du basket NBA, Michael Jordan, a dénoncé, dans un communiqué cité par
l'AFP et publié le 31 mai, le « racisme enraciné » aux Etats-Unis, se disant « profondément attristé, véritablement en souffrance et totalement en colère » après la mort de George FLOYD
RFI